ACCUEIL > OUTILS > Activités de sensibilisation au paysage


Jeu de cartes pour un diagnostic partagé des enjeux territoriaux

( 23 février 2010)

L’outil

L’outil "jeu de cartes des enjeux" présenté dans cet article a été initialement conçu sur base d’une idée de Sylvie Lardon (professeur à l’ENGREF). Il a notamment été mis en oeuvre en Auvergne, dans la vallée de l’Auzon, par Sylvie Pastor et Stéphanie Lesage, respectivement pour le compte de l’ADASEA (Association Départementale pour l’Aménagement des Structures des Exploitations Agricoles : www.adasea.net) et du CPIE Clermont-Dômes.

L’idée maîtresse est la suivante : pour un territoire donné, il s’agit d’identifier une série d’enjeux majeurs en consultant plusieurs acteurs considérés comme experts (scientifiques ou non) du territoire en question.

Ces enjeux sont classés par problématiques et vont figurer sur des cartes au format "cartes à jouer" : la problématique est indiquée par un titre évocateur et exprimée par un dessin, des mots-clés indiquent quelques enjeux pour amorcer la réflexion.

JPEG - 67.4 ko
Jeu de cartes des enjeux territoriaux en Wallonie
Auteurs : CPDT 2006

Une carte "joker" laissée vierge permet aux participants de faire ressortir un enjeu qui n’aurait pas été identifié par les experts, ou qui n’aurait pas été jugé primordial. Cette carte symbolise explicitement la posture des animatrices, qui mettent ainsi en avant leur possible incompétence et reconnaissent de facto les compétences des personnes avec qui le jeu de cartes sera utilisé en tant qu’usagers du territoire.

Les enjeux pour le territoire wallon vus par les chercheurs de la CPDT en 2006

Un jeu de cartes des enjeux du territoire wallon a été conçu en 2006 par les chercheurs de la CPDT - Conférence Permanente du Développement Territorial -, dans le cadre de la formation des conseillers en aménagement du territoire et de l’urbanisme.

Quatorze problématiques ont été retenues :

- Complexité de la gouvernance (relations de pouvoir, individualisme, visions sectorielles, etc.)
- Evolution de l’agriculture (industrialisation, multifonctions, etc.)
- Dynamique des relations sociales (autochtones ou non, mixité sociale, liens entre quartiers, résidents - usagers temporaires, etc.)
- Nouveaux besoins en logement (extension de l’habitat, appartement, modèle 4 façades, logements vides, etc.)
- Sécurité et mobilité (trafic de transit, vitesse, parking, etc.)
- Protection des milieux naturels (biodiversité, maillage écologique, pollution, etc.)
- Gestion et valorisation du patrimoine (patrimoine classé ou ordinaire, dégradations, intégration, moderne - ancien, etc.)
- Loisirs (camping, équipements, attractions, etc.)
- Mobilité durable et équitable (dépendance automobile, transports en commun, accessibilité pour tous, etc.)
- Réduction de la facture énergie (chauffage passif, habitat mitoyen, énergie verte, etc.)
- Dynamique commerciale (nouvelles implantations, concurrence, déclin, parking, etc.)
- Eaux (égouttage, épuration, distribution, inondations, etc.)
- Mutations industrielles (reconversion, pollutions, attractivité, etc.)
- Evolution des paysages (fermeture, banalisation, urbanisation des campagnes, etc.).

Démarches

Cet outil peut être utilisé de plusieurs manières. En voici quelques exemples.

1. Dans la vallée de l’Auzon

L’objectif était d’instaurer un dialogue entre les « acteurs locaux » des 5 communes de la vallée (agriculteurs, élus et associations diverses en lien avec la gestion de l’espace, principalement liées à la chasse et à la pêche) et des « acteurs institutionnels » de l’environnement, de l’aménagement de l’espace et de l’agriculture (Conseil Général, Chambre Départementale d’Agriculture, etc.). Le but était de faire émerger des actions réalisables à plus ou moins long terme pour assurer une cohabitation harmonieuse autour d’un projet de territoire partagé.

Les participants (25) ont été invités à se regrouper s’ils le souhaitaient (maximum 3 personnes). Ils ont disposé d’un quart d’heure pour choisir les 2 ou 3 cartes les plus représentatives de leur vision subjective du territoire, pour ensuite les présenter à l’assemblée (2 mn par personne ou groupe de personnes).

Consigne : pas de polémique à ce moment-là. Prise de notes sous forme de mots clés des justifications éventuellement apportées.

Au moment de la restitution, il leur était également demandé de placer les cartes de leur choix sur une carte sommaire de la Vallée de l’Auzon, à l’endroit où la problématique était jugée la plus présente. S’il était jugé que la carte choisie concernait de façon transversale les 5 communes, il avait été convenu de la placer sur la partie supérieure de la carte.

Une synthèse a mis en évidence les enjeux majeurs.

2. Sur le territoire du GAL Entre-Sambre-et-Meuse

Des études avaient été menées sur les quatre communes du territoire du GAL par différents groupes de travail composés de bénévoles ou de professionnels sur la biodiversité, les paysages, le patrimoine bâti et l’état des chemins et sentiers publics. Le GAL souhaitait récolter l’avis d’un panel d’acteurs et de citoyens locaux sur les enjeux identifiés par les experts et dégager des orientations partagées par les différents utilisateurs du cadre de vie, avant de rédiger une charte et un plan d’action dans les domaines concernés.

Le dispositif méthodologique proposé par le GAL comportait trois ateliers en 2 semaines : une journée de terrain un samedi et deux réunions en soirée les deux semaines qui ont suivi.

La journée de terrain avait pour but de partir des paysages du territoire du GAL et de proposer aux participants d’échanger leurs regards et leurs points de vue sur les enjeux qu’ils perçoivent sur l’évolution du territoire, tout en amenant par petites touches des compléments d’information apportés par les différents experts, au gré des éléments observés dans le paysage et le long des parcours (coeur de village, zone humides, ...).

La première réunion en soirée était centrée sur la présentation d’une synthèse des études réalisées par les experts sur les quatre thématiques ciblées : paysage - biodiversité - patrimoine - chemins et sentiers. La deuxième réunion avait pour but de dégager des enjeux et des objectifs généraux prioritaires, des objectifs particuliers et des pistes d’action pour améliorer la situation.

La méthodologie mise au point visait essentiellement le croisement des regards sur le territoire, en conférant clairement le pouvoir de décision sur les priorités dans les mains des habitants et non dans celles des experts ou des animateurs du GAL.

C’est lors de la journée de terrain que le jeu de cartes a été utilisé. Sur base des études réalisées par les quatre groupes de travail, et avec leur concours, une liste des enjeux sur le territoire du GAL a été établie. En fonction des enjeux territoriaux identifiés par les experts, et avec l’aide de ces derniers, deux zones de parcours ont été choisies sur le territoire du GAL, où plusieurs de ces enjeux sont particulièrement observables.

Une trentaine de participants issus des 4 communes du GAL ont participé à la démarche. Parmi ceux-ci, des citoyens, des agriculteurs (3), des conseillers communaux (4), des animateurs (centres culturels, maison de l’urbanisme, service environnement, Syndicat d’Initiative, ...), des bénévoles impliqués dans l’une ou l’autre association (Nature, Sentiers, Paysages,...), ainsi que les « experts » ayant établi le diagnostic initial (Etude Paysage, Nature, Patrimoine, Chemins et sentiers publics).

Analyse des activités lors de la journée de terrain

Les présentations

Une activité « brise-glace » a permis aux participants de se présenter, tout en se familiarisant déjà avec le territoire du GAL via une carte topographique : chacun était invité à placer sur la carte une gommette sur son lieu de résidence et sur une deuxième carte une ou plusieurs gommettes sur les lieux qu’il/elle apprécie particulièrement.

Cette première activité a une triple fonction :
- elle donne le ton de la journée : symboliquement, chacun a une place importante, égale à celle des autres, et nous sommes là aussi pour être en relation les uns avec les autres ;
- elle permet à chacun d’entrer directement dans une démarche participative par petites touches, et sans s’exposer outre mesure : certains se sont contentés de nommer les lieux qu’ils avaient pointés à l’aide des gommettes ; on sentait que c’était déjà un peu stressant, mais pas trop difficile quand même ;
- elle stimule l’imagination et convoque les souvenirs et les émotions positives de chacun, en rapport avec le territoire. La carte sert de média pour communiquer sur le plan affectif, et l’on signifie par là que derrière tout discours rationnel que l’on pourrait tenir sur le paysage, on sait qu’il y a des émotions non dites, parfois non conscientisées, et qu’il est important de leur accorder de la valeur.

Le regard diagnostic

Avant de partir sur le terrain, l’outil « jeu de carte des enjeux » a été présenté, ainsi que la méthodologie. Les participants ont été invités à constituer des sous-groupes d’environ 4 personnes. Des cartes avec les itinéraires ont été distribuées.

La méthodologie pour chaque lieu ou parcours était la suivante : observer le paysage et identifier, parmi les enjeux présents sur les cartes à jouer, quels sont ceux qui sont manifestement présents. Une mise en commun avait lieu à l’issue de chaque lieu/parcours : chaque sous-groupe devait sélectionner 3 enjeux prioritaires, déposait au centre du cercle formé par le groupe les cartes qui y étaient associées, et commentait son choix (2 mn par sous-groupe).

Au cours de cette journée, les experts ont accompagné l’un ou l’autre sous-groupe, distillant leurs commentaires au gré des conversations spontanées. Ils ont parfois ajouté l’une ou l’autre information lors de la mise en commun, notamment pour faire le lien entre ce que l’on observait sur le lieu et ce qui se passe ailleurs sur le territoire.