ACCUEIL > PERCEVOIR ET PENSER EN HYPERPAYSAGE > Du visible vers l’invisible


L’influence des temps

( 8 août 2008)

Percevoir et penser en hyperpaysage, c’est prendre conscience de l’impact des différentes dimensions du temps

L’invisible humeur du jour

Au niveau de la perception, les conditions atmosphériques, l’heure du jour, l’époque de l’année sont des paramètres qui influencent notre manière d’être dans le paysage et donc notre perception, et réciproquement : un paysage terne sous le soleil peut devenir dantesque par temps d’orage et nous inciter à presser le pas, plutôt que de flâner tranquillement.

Le choix du moment de la prise des photos pour l’hyperpaysage est un acte délibéré où l’on se rend bien compte de la subjectivité qui l’accompagne.

Donner du temps au temps

Le temps que nous passons en contact avec le paysage (la durée des contacts, leur fréquence) est un facteur important qui aura une incidence sur la nature, la quantité et la qualité des liens qui sont noués.

L’auteur d’un hyperpaysage est le seul à savoir quel temps il aura fallu pour établir un lien donné, dans quelle mesure il était évident ou s’il résulte d’un lent apprivoisement et d’une longue et tortueuse réflexion.

L’invisible dynamique temporelle

Au niveau de la compréhension des paysages, la prise en compte de leur évolution et de leur dynamique est essentielle car malgré leur immobilité apparente, ils sont sans cesse en train de changer. On dit volontieres que le paysage est un palimpseste : comme ces parchemins qui gardent la trace des anciens textes imparfaitement grattés, le paysage garde la trace d’héritages produits par l’action successive, sur un même espace, d’agents naturels et d’actions anthropiques. Ainsi témoigne-t-il des anciens chemins d’exploitation, des voies romaines encore visibles et inscrites, des voies ferrées et des gares désaffectées, etc.

Le caractère éphémère des symboles et du sens

En mettant en perspective le temps à l’échelle humaine et à l’échelle des temps géologiques, en passant par celle des sociétés ou des "civilisations" qui ont marqué profondément le paysage mais dont il ne reste parfois que quelques traces, ayant valeur de patrimoine, nous prenons conscience du caractère éphémère de nos actions.

Nous (ne) sommes (que) de passage. Il est ici question de la résistance à l’usure du temps du caractère symbolique des lieux, de ces "êtres-paysages" (Sansot, 1998, p. 80), surtout lorsque les "figures" qui lui donnaient sens disparaissent ou changent.

Nos paysages ruraux sont ainsi marqués par la disparition de figures telles que les Agriculteurs, Ceux-qui-ont-connu-la-guerre, ou encore les Artisans, et voient la part des Touristes-en-résidence-secondaire augmenter, vivifiant les lieux autrement, réclamant de nouvelles normes, marquant le paysage de leurs propres traces.

Nous sommes donc dans une ambivalence : les paysages que nous aimons se transforment sous nos yeux, parfois jusqu’à en devenir méconnaissables, mais notre sentiment de tristesse est en tension avec notre désir de renouvellement, qui implique cette même destruction.

Références

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège.

Sansot P., 1998. Du bon usage de la lenteur, Paris, Payot.