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Intelligence visuospatiale

( 6 octobre 2008)

Percevoir et penser en hyperpaysage, c’est reconnaître la place fondamentale des images et de l’imagination tout autant dans notre perception de l’espace que dans notre façon d’organiser notre pensée.

Les multiples formes d’expression de l’intelligence

Parmi les nombreuses grilles d’intelligences qui ont été élaborées, la théorie des Intelligences Multiples d’Howard Gardner a le mérite d’être particulièrement simple à comprendre et pratique à utiliser dans une quelconque situation d’apprentissage. Son succès dans le monde anglo-saxon depuis sa parution en 1983 a été considérable, en particulier dans les champs de l’éducation et de la formation permanente. Elle a fait l’objet de très nombreux livres d’application en langue anglaise.

Dans la traduction française (1996) de l’ouvrage "Frames of Mind" (1983) huit formes d’intelligence sont proposées. Aujourd’hui, l’équipe d’H. Gardner travaille sur une neuvième forme d’intelligence. Elles sont présentées dans le schéma ci-dessous.

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L’intelligence s’exprime sous de multiples formes

L’intelligence visuo-spatiale

Comment reconnaît-on quelqu’un qui présente ce qu’Howard Gardner a appelé une intelligence visuo-spatiale ?

- C’est quelqu’un qui a beaucoup d’imagination et qui dessine volontiers, qui aime les images et les arts visuels, qui aime faire des puzzles.

- C’est aussi quelqu’un qui organise facilement l’espace, qui conçoit facilement l’espace en 3D mentalement et qui a une bonne mémoire visuelle.

- C’est souvent une personne qui a besoin d’images pour comprendre ou pour s’exprimer : composer un schéma tout en parlant, utiliser beaucoup de métaphores, ....

Les activités suivantes, liées au paysage et pouvant être intégrées dans le programme d’activités liées à la réalisation d’un hyperpaysage, vont solliciter plus particulièrement cette forme d’intelligence :

• Admirer les paysages, regarder ou réaliser des photos pour le plaisir des yeux.

• Observer les formes, les couleurs et les structures du paysage.

• Composer un paysage à partir d’un plan.

• Imaginer visuellement le paysage dans le passé ou le futur.

• Visualiser un paysage à partir d’une image satellitaire ou d’une carte topographique, imaginer le paysage vu du ciel, visualiser un paysage d’après une description orale ou littéraire (associer par exemple des photos de paysage avec des images satellitaires ou des descriptions), imaginer le paysage vu par une fourmi, par un oiseau ou vu d’avion.

• Évoquer mentalement un paysage idéal.

• Réaliser une fresque paysagère historique.

• Identifier un paysage en un coup d’oeil.

• Evaluer la qualité d’un paysage sur base d’une perception visuelle globale.

• Dessiner ou peindre un paysage, sculpter ou modeler le relief du paysage.

• Retravailler une image de paysage à l’ordinateur.

• Réaliser des cartes de cheminement en symbolisant les lieux, réaliser des plans paysagers, des schémas d’organisation de l’espace.

Le recours systématique aux images pour favoriser l’ancrage spatial de nos idées

Une des contraintes que nous estimons cruciale pour réaliser un hyperpaysage, c’est d’imposer aux élèves l’insertion d’au moins une photo significative dans chacune des pages liées aux zones sensibles des panoramiques.

Outre le fait que nous avons davantage de chances de toucher notre public, sans doute plus sensible aujourd’hui à la communication visuelle, cette contrainte poursuit surtout comme objectif de faciliter l’élaboration et la mémorisation d’une carte mentale de l’espace. Cette carte mentale aurait en effet un effet structurant pour notre manière de penser en général. Bien entendu, elle n’est pas uniquement fondée sur la perception visuelle, mais cette dernière joue un rôle très important.

Choisir quelle est l’image d’un lieu qui va être la plus représentative de l’idée que l’on souhaite développer, qui va le mieux contribuer à la soutenir ou qui va exprimer notre émotion est une étape du travail qui nous semble pédagogiquement fondamentale à plus d’un titre.

D’une certaine manière, choisir une illustration, c’est peut-être travailler délibérément à l’élaboration de nos images mentales. C’est du moins une hypothèse sans doute confusément partagée par tout enseignant, qui espère que les images illustrant son cours vont être captées par les élèves et constituer un référent qu’il réutilisera.

On désigne par le terme d’image mentale la partie imagée de nos représentations mentales. Il ne faudrait pas croire qu’il s’agit d’une sorte de copie plus ou moins conforme à un objet visuel. L’image dont il s’agit est une "forme d’organisation des connaissances dans la mémoire qui conserve certaines caractéristiques spatiales comme les relations topologiques et, dans certains cas, les distances. (...). Elles peuvent servir à organiser des informations qui n’ont pas un caractère spatial" (Richard, 1990). Retenons de cette définition proposée par Richard l’idée que le recours aux images est une façon parmi d’autres d’organiser le chaos de nos perceptions.

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Mon image mentale
Photo © Seth White Source : www.sethwhite.org/
"Un matin, alors que j’attendais le départ de notre hélicoptère pour nous rendre dans la Vallée Verte, j’errais dans la rue proche du hangar quand j’ai découvert cette vue. Je n’ai réalisé que bien plus tard à quel point la photo que j’avais prise recelait les deux images mentales les plus évidentes que j’avais de Thulé : la canalisation traversant la route et les Monts Dundas. Pourquoi ? Je ne sais pas."

De nombreuses études portent sur l’utilisation d’illustrations pour tenter d’améliorer la compréhension d’une idée ou d’un texte, mais ici, il ne s’agit pas d’évaluer l’impact d’illustrations choisies par un professeur sur les images mentales des élèves, il s’agit d’illustrations choisies ou générées par les élèves eux-mêmes, au profit de la construction de leur savoir par le biais de la production d’un texte illustré (perspective constructiviste de l’apprentissage). Plus encore, il s’agit de photos prises par les élèves, d’images qui sont directement issues de l’environnement. Le texte qui les accompagne a pour mission de "faire parler" cet environnement, ou encore de permettre à l’élève d’exprimer sa vision de l’environnement. Sélectionner ces images et leur donner du poids peut contribuer, pensons-nous, à favoriser l’ancrage de l’élève dans son environnement. De la pertinence et de la force du lien entre le texte et son illustration dépendra probablement l’importance et l’intensité de ce que l’élève encodera dans son esprit.

Avec Yves Bonnefoy, l’intérêt du travail en images prend encore plus d’épaisseur : "En nous, les mots, la pensée, qui classifient, nomment, étiquettent, isolent, effacent, recomposent à leur idée, en image, le pays au seuil duquel on se trouve, et c’est cette image qui prend le pas, qui nous retient, qui nous hante, alors qu’en tant qu’image, elle ne sait rien du temps vécu, de la finitude" (Bonnefoy, 1990, p. 15).

Retenons ici que la fonction d’imagination est sans doute essentielle à l’être humain, quoique diversement exercée par chacun. Lui accorder une place importante dans un processus d’apprentissage, quel qu’il soit, nous apparaît comme un principe incontournable si l’on souhaite accueillir chacun dans sa globalité.

Au-delà de ces dimensions essentielles, l’insertion d’une image dans chaque page, c’est aussi à chaque fois une belle occasion de travailler la subjectivité de notre regard et la question du cadrage, tout autant que l’esthétique de l’image.

Références

Bonnefoy Y., 1990. Existe-t-il des hauts lieux ?, in Hauts Lieux, Crépu M. et Figuier R. (dir), Paris, Autrement, série Mutations, n° 115, pp. 14-19.

Gardner H., 1996. Les intelligences multiples. Pour changer l’école : la prise en compte des différentes formes d’intelligence, Paris, Retz.

Gardner, H., 1997. Les formes de l’intelligence, Paris, Odile Jacob. Traduction française de Frames of Mind, édité en 1983 et réédité en 1993.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège.

Richard J.-F., 1990. Les activités mentales, Paris, A. Colin, coll. Psychologie.

Richard L. G., 2000. L’oeil et le cerveau - La psychologie de la vision, Bruxelles, De Boeck Université, coll. Neurosciences et cognition.