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Mythes et paysage

( 6 octobre 2008)

Percevoir et penser en hyperpaysage, c’est avoir le réflexe de prendre conscience des mythes qui fondent notre approche du paysage en particulier, et du monde en général.

Le Grand Canyon


Les mythes paysagers sont nombreux et puissants. Au niveau des éléments du paysage, certains sont présents dans pratiquement toutes les cultures : le mythe de la terre ou de la forêt vierge, de l’île déserte, du désert infranchissable, de la nature intacte, de la source enchantée, des marécages maléfiques, de la montagne domaine des dieux, du jardin d’Éden, ...

Andreotti (1997, p. 83) est convaincu que les racines de ces mythes sont mêlées à celles des différentes religions et que de là proviennent des critères éthiques, esthétiques et mystiques qui ont influencé de manière importante non seulement la détermination de notre paysage culturel mais aussi la perception intellectuelle que nous en avons.

Certains mythes sont davantage liés à des contes et légendes et ont une portée géographique plus restreinte mais néanmoins transnationale (mythe de Robin des bois dans les régions d’Europe occidentale, mythe de la sirène dans les rivières d’Afrique subtropicale, mythe des monstres de toutes sortes un peu partout dans le monde et dans différents types d’habitat). L’analyse des oeuvres littéraires, picturales, photographiques ou cinématographiques, ou encore des représentations paysagères présentes dans les jeux électroniques est riche d’enseignement pour déceler les mythes véhiculés à chaque époque, dans chaque culture.

Un certain nombre de mythes à propos de notre histoire conditionnent également notre perception du paysage : à propos de la façon dont les hommes vivaient autrefois (mythe de l’homme des cavernes, mythe du paradis rural perdu), à propos des événements qui se sont déroulés dans telle ou telle région (mythes de la terre originelle d’un peuple, mythes liés aux grandes batailles), à propos des processus de transformation du paysage et des sociétés (mythe du grand cataclysme naturel ou social, mythe de la génération spontanée, mythe de l’évolution naturelle, mythe de l’éternel recommencement, mythe de Sisyphe,...). Interrogeons-nous, en tant que géographes, sur les mythes que nous contribuons à créer, notamment via la diffusion sans précaution ou nuances de certains modèles.

Au niveau des régions du monde, les paysages sont médiatisés de manière tellement stéréotypée (et les manuels scolaires n’échappent pas à ce travers) qu’ils en deviennent mythiques, que ce soit à l’échelle du monde ou pour la population locale : LE paysage provençal, LE paysage fagnard. Ici, c’est la publicité, les magazines, qui nous révèlent les plus porteurs. Certains paysages sont devenus de véritables stars (le Parc de Yellowstone aux Etats-Unis, les pyramides d’Egypte), véhiculant pour chacun un tas d’histoires entremêlées, histoire humaine ou fiction. Peu importe justement, cela contribue sans doute à la grandeur d’un mythe paysager : sa capacité à signifier quelque chose de profond pour le plus grand nombre, à traduire les peurs, les aspirations ou l’expérience vécue en une image perçue comme forte, synthétique et globale, où l’individu non seulement se sent rejoint au fond de lui-même, mais aussi partage avec d’autre cette émotion-conscience existentielle.

La terre vue du ciel


Pour P. Nys, le paysage de la terre vue du ciel ramenée par les astronautes en 1969 a provoqué une émotion collective sans précédent "parce que cette image représente l’aboutissement d’un mythe, comme si tout le long détour de notre histoire scientifique et les multiples mises au point de milliers de machines n’avaient eu comme sens et comme résultat secret enfin révélé et pourtant toujours déjà pressenti, sinon souhaité, de nous faire voir une simple image, une image toute simple, quasi primitive et mythique : celle de la terre comme notre terre. Désir très ancien profondément ancré dans les entrailles de la terre. Cette image propose à l’humanité l’image d’une angoisse métaphysique absolument terrestre" (Nys, 1995, p. 29).

Références

Nys P., 1995. Paysage et re-présentation : la Terre comme paysage, Géographie et Cultures - Spécial Paysages, Paris, L’Harmattan, vol. 13, pp. 23-34.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège.