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Découvrir des identités territoriales

( 6 octobre 2008)

Percevoir et penser en hyperpaysage, c’est avoir conscience que le paysage est un territoire, qu’il constitue un berceau identitaire pour chaque citoyen.

"...paysages-souvenirs, paysages de rêve, paysages symboles, paysages de films, paysages touristiques, paysages qui ont défilé sous nos yeux d’automobilistes, de navigateurs ou de deltaplanistes, ou paysages (...) conquis par l’effort (...)" (Pinchemel, 1987, p. 1).

Le paysage est l’écrin dans lequel s’inscrit toute personne, toute action et notamment toute construction territoriale. Les paysages, familiers ou lointains, sont constitutifs de notre identité, individuelle et collective.

Quelle est notre histoire intime avec les paysages, depuis notre prime enfance ? Nous a-t-elle donné l’occasion de ressentir du plaisir et de l’exprimer, d’imaginer et de rêver, de comprendre et de structurer, de vivre, d’agir et de partager ? Comment et dans quelle mesure toutes ces expériences ont-elles contribué, depuis les premiers apprentissages souvent inconscients des "paysages matriciels" de l’enfance, et contribuent toujours, quotidiennement ou ponctuellement, à façonner "la conscience humaine de soi, la capacité à penser sa relation aux autres et à la mettre en oeuvre, mais aussi la capacité à se déplacer et d’être ailleurs aussi bien qu’ici" ? (Lazzarotti, 2002, p. 300).

Le paysage est le point de départ subjectif, l’expérience physique (au sens grec du terme, engageant notre "nature"), accessible et fondatrice de notre être au monde d’où tout un chacun se pose des questions sur l’espace qui, lui, nous est accessible différemment, tout aussi subjectivement, par le parcours d’une part, par quelques rares expériences aériennes d’autres part.

Avoir conscience de ces « paysages-matrices », dans leur globalité et leurs particularités, dans ce qu’ils ont de riche et de complexe, contribue à nous donner une meilleure assise existentielle par rapport à la question "où suis-je ?" Pour construire son identité, il est indispensable en effet de pouvoir se sentir de quelque part. Le besoin d’avoir un territoire à soi est fondamental, constitutif de toute espèce animale : pouvoir disposer d’un espace privé, personnel, reconnaissable, et reconnu. En même temps, pouvoir se dire de quelque part et partager cet espace vécu-perçu avec d’autres de façon à construire une identité collective, pour sortir de la solitude. Le besoin d’avoir des territoires partagés, partageables, est tout aussi fondamental, indispensable à toute vie sociale : pouvoir disposer d’espaces collectifs, reconnaissables et reconnus.

"La reconnaissance d’un rôle actif des citoyens dans les décisions qui concernent leurs paysages peut leur donner l’occasion de s’identifier avec les territoires et les villes où ils travaillent et occupent leurs temps de loisir. En renforçant la relation des citoyens avec leurs lieux de vie, ils seront en mesure de consolider à la fois leurs identités et les diversités locales et régionales en vue de leur épanouissement personnel, social et culturel. Cet épanouissement est la base du développement durable du territoire concerné, car la qualité du paysage constitue un élément essentiel pour la réussite des initiatives économiques et sociales de caractère privé et public" (Convention européenne du paysage, 2000, rapport explicatif, art. 24).

La rencontre avec des personnes-ressources à propos d’un paysage donné, c’est l’occasion de découvrir des passions pour le lieu choisi, des projets individuels ou collectifs qui ont une longue histoire, un réseau de personnes intimement liées par le paysage, des gens pour qui le paysage représente, parmi les enjeux parfois indicibles, un lieu d’ancrage et de constitution de leur identité.

Les souvenirs, les anecdotes, les documents personnels, mais aussi les parcours choisis et commentés sont autant d’expériences initiatiques pour "les étrangers" que sont souvent les concepteurs d’un hyperpaysage. C’est ainsi que l’on peut rencontrer des amoureux du paysage qui donnent l’impression d’avoir une relation fusionnelle avec lui. Modifier ou, pire, abîmer un morceau du lieu les attriste profondément. Ce sont aussi des récits de blessures, de combats, de luttes territoriales, de conquêtes et de défaites qui peuvent être rapportés.

Ce type d’expérience paraît fondamental pour les élèves. S’amarrer à un paysage par l’intermédiaire de quelqu’un qui le vit profondément marque le fait que l’identité se construit grâce aux autres, dans un processus complexe d’identification/distanciation, individuelle et collective. C’est aussi faire comprendre par le ressenti que l’avenir des paysages est d’abord une question d’attaches affectives et de valeurs, dont la défense passe par la capacité à intervenir dans un rapport de forces.

Travail de prise de conscience d’abord, d’analyse critique ensuite. Les images de paysages de notre ville, village, région, pays ou même planète sont-elles stéréotypées ou "authentiques" ? Correspondent-elles à notre vécu ou nous rendent-elles étrangers à nos territoires ? (Bédard, 2002, p. 332)

Références

Bédard M., 2002. Géosymbolique et iconosphère bourgignonnes, in Le paysage par-delà la norme, Cahiers de géographie du Québec, vol. 46, n° 129, Québec, Université Laval, pp. 323-344.

Lazzarotti O., 2002. Le paysage, une fixation ?, Cahiers de géographie du Québec, vol. 46, n° 129, Université de Laval, pp. 299-322.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège.

Pinchemel P., 1987. Lire les paysages, Paris, Documentation française et CNDP, coll. Documentation photographique, vol. 6088.