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Organigrammes

( 6 octobre 2008)

Organigrammes, structurogrammes, schémas fléchés : comment s’y retrouver dans cette terminologie encore peu stabilisée ?

1.Définition

2.Types d’organigrammes

3.Les organigrammes explicatifs de type systémique

4.Comment construire un organigramme explicatif ?

1. Définition

À partir des années 80, bon nombre de professeurs de géographie et de sciences sociales ont tâtonné pour essayer d’apprendre à leurs élèves à rendre compte des écosociosystèmes à l’aide de diagrammes particuliers, aux dénominations multiples : organigramme, structurogramme, schéma fléché, schéma sagittal. Les manuels scolaires de l’époque ont commencé à intégrer largement ce mode de représentation. Leur succès semble avoir faibli fin des années 90. Cependant, aujourd’hui, leur construction est vivement recommandée en France et en Belgique dans les programmes de géographie pour l’enseignement secondaire.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Ce genre de diagramme est composé le plus souvent de mots-clés encapsulés dans une forme géométrique (fig. 1), ou d’images (plus rarement), ou encore de mots-clés et d’images (fig. 2), qui peuvent être reliés par des traits ou par des flèches.

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Fig. 1. Modèle d’organigramme
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Les relations verticales dans la forêt caducifoliée
Source : Duvigneaud, 1974

Fig. 2. Organigramme mêlant images et mots-clés.

Ces diagrammes peuvent être utiles pour soutenir plusieurs types de discours argumentatifs, dont voici quelques exemples :

- expliquer la survenance d’un événement, récurrent ou non, banal ou inattendu, et tenter de comprendre pourquoi il se produit à un endroit précis, pourquoi il touche tel public en particulier, et quelles en sont les conséquences, à différentes échelles (par ex. : les inondations dans la région liégeoise en 2009) ;
- modéliser un phénomène général (ex. : les inondations) ou un écosystème (ex. : la forêt caducifoliée) ;
- analyser ou démontrer la pertinence d’une action visant à réguler une situation (ex. : la construction de berges pour éviter les inondations à un endroit précis) ;
- exprimer une dynamique évolutive (ex. : la désertification, la périurbanisation) ;
- rendre compte de la complexité des liens entre les acteurs d’un territoire.

La signification donnée aux traits ou aux flèches peut donc varier d’un diagramme à l’autre.

Une flèche peut mettre en évidence :

- le sens d’une relation hiérarchique ( X est le supérieur de Y)
- le sens d’une relation de pouvoir (X domine Y) ;
- le sens d’une relation de dépendance (Y dépend de X) ;
- le sens d’une relation causale (X entraîne Y) ;
- le sens d’une relation trophique (X mange/absorbe Y) ;
- le sens d’un déplacement dans l’espace (un flux de X à Y) ;
- le sens d’une chronologie (X, puis Y, puis...) ;
- le sens d’une transformation ou d’une mutation (X devient Y) ;
- le sens d’une génération (X donne naissance à Y) ;
- le sens d’une passation de pouvoir (Y succède à X) ;
- le sens d’une inclusion (X contient Y) ;
- le sens d’une subdivision structurelle (X se subdivise en Y et Z).

Un simple trait peut signifier un lien d’alliance entre acteurs, tandis qu’une double flèche exprimera une opposition. Mais une double flèche peut aussi signifier une relation d’interdépendance.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle permet de se rendre compte de l’importance d’une légende accompagnant l’organigramme, sauf si le sens est sans équivoque d’après le titre du document (ex. : un arbre généalogique ne laisse aucun doute sur la nature des liens entre les personnes).

2. Types d’organigrammes

Pour notre propos, nous distinguerons deux types d’organigrammes : les organigrammes de type linéaire et les organigrammes de type systémique.

Les organigrammes linéaires

Les organigrammes linéaires se présentent sous la forme d’une succession en cascade, le plus souvent disposée verticalement, le point de départ se trouvant en haut du schéma.

Exemples : le schéma en arborescence, le schéma pyramidal.

En font également partie les articulations en étoile, comme la marguerite (fig. 3) ou le schéma en flocon de neige.

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Fig. 3. La structure d’une institution
Institut Thérapeutique Educatif et Pédagogique "La Tumelière" (France) - http://www.turmeliere.org

Les organigrammes systémiques

Les organigrammes systémiques ne présentent pas de points de départ et d’arrivée clairs, comme c’est le cas pour les organigrammes linéaires. Ils peuvent prendre plusieurs formes :
- une forme circulaire, lorsqu’il s’agit de mettre en évidence un fonctionnement cyclique (ex. : le cycle de l’eau) ;
- une forme réticulaire plus complexe, au sein de laquelle peuvent apparaître des formes circulaires appelées "boucles de rétroaction" (voir §3 ci-dessous).

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Fig. 4. Le paysage, à la croisée des regards et des systèmes
Auteur : P. Arnould, 2003.

Dans l’organigramme de la figure 4, le paysage est décomposé en sous-systèmes, avec une série de notions qui y sont associées. Ici, les flèches mettent en évidence le caractère globalement interdépendant de ces sous-systèmes.

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Fig. 5. La menace écologique en Afrique
Auteur : J.-P. Chabrol, 2006.

Dans la figure 5, l’organigramme privilégie les caractéristiques du milieu, les actions et leurs conséquences sur le milieu. Les flèches expriment l’enchaînement des relations de cause à effet, ce qui donne accès à une compréhension assez claire de ce qui se passe. Nous avons affaire ici à un organigramme explicatif : il rend explicite les hypothèses d’un auteur relatives à l’organisation d’un système, à la manière dont il fonctionne.

3. Les organigrammes explicatifs de type systémique

L’analyse d’une problématique ou d’un territoire implique la plupart du temps la prise en compte de plusieurs types de relations causales/interactions.

La première systémique : les causalités circulaires

Les trois premières catégories de relations causales (verticales, horizontales, humaines) s’intègrent dans un raisonnement systémique de la manière suivante :
- les mêmes conséquences (illustrées par les cercles) peuvent être produites par différentes causes (illustrées par les flèches),

- différents effets peuvent avoir les mêmes causes,

- des boucles de rétroaction sont identifiables.

Cette vision et représentation circulaire du fonctionnement d’un système, pour commode qu’elle soit, fonctionne mal en particulier lorsqu’on a affaire à des systèmes ouverts, car entachée d’une vision du temps trop statique.

La seconde systémique : les causalités spiralaires

L’introduction de la variable temps permet, quant à elle, de passer d’une logique circulaire à une logique spiralaire où des causes identiques engendrent des effets différents selon le moment pris en compte.

La prise en compte du temps qui passe et qui, par le fait même, modifie le système, est un élément déterminant pour affiner les simulations produites en y intégrant les principes de la dynamique des systèmes.

C’est sans doute le travail le plus difficile : il convient d’anticiper, de prévoir les effets d’un changement de paramètre ; il faut estimer les limites de variabilité des paramètres et imaginer plusieurs futurs plausibles (ni ce qui est probable, ni ce qui est possible) dans un contexte donné, en fonction de ce que l’on sait du système.

Or, comme le souligne J. de Rosnay (1975) : « Entre le probable et le possible se situent aussi bien la volonté politique que l’aléatoire, la catastrophe, la crise globale ou la révolution. ».

La sensibilité écologique attira en outre l’attention sur le caractère irréversible de certains changements.

4. Comment construire un organigramme explicatif ?

Construire un organigramme explicatif, c’est à la fois distinguer et relier. Une méthode souvent utilisée pour y arriver consiste à passer par les étapes suivantes :

1. Clarifier l’objectif

Pourquoi réaliser un schéma fléché ? Que veut-on montrer, démontrer ou expliquer ? Comme le souligne Jean-Pol Chabrol (2005), "sur le plan pédagogique, c’est un excellent exercice intellectuel qui oblige le concepteur à se poser la question des objectifs. Un schéma : oui, mais pour quoi faire ?".

2. Distinguer et trier

"L’élaboration d’un organigramme oblige à trier - dans l’information - l’essentiel de l’accessoire : autrement dit, repérer et retenir des éléments utiles, significatifs et pertinents. Ce tri est un travail de sélection ou de discrimination et finalement d’élimination" (Chabrol, ibidem).

Une manière pratique et efficace de travailler et d’utiliser des post-it pour dépouiller l’information et en retirer ce que l’on juge essentiel. Une règle importante : noter une seule idée par post-it, résumée par quelques mots-clés ou une courte phrase. Ainsi, il sera plus facile par la suite de manipuler les idées pour les organiser entre elles.

3. Relier

Il s’agit maintenant de rechercher les liens de causalité entre les éléments sélectionnés. Tous les post-it sont rassemblés et les hypothèses émises sont visualisées en rapprochant progressivement certains éléments et en les reliant. De la ficelle fixée avec du papier collant repositionnable peut être intéressante pour marquer davantage le caractère tâtonnant de cette étape : il s’agit de proposer une interprétation. Et si l’on travaille en groupe, le résultat sera une interprétation qui aura été négociée entre les concepteurs.

4. Composer graphiquement

Une fois les liens définis, le brouillon obtenu sera examiné du point de vue de sa lisibilité et de sa clarté. Il faudra définir la composition graphique de l’ensemble :

- choisir une disposition spatiale globale ;
- définir la taille, la couleur et la forme des cadres, des textes et des flèches.

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Fig. 6. Le voyage d’un jeans
Auteur : J.-P. Chabrol

5. Communiquer

Le résultat devra passer l’épreuve de la validation par des tiers, même s’il est uniquement destiné à l’usage des concepteurs. En effet, c’est en l’accompagnant d’un commentaire que la pertinence de l’organigramme pourra être éprouvée. Il faudra peut-être encore une fois modifier ce dernier avant publication.

Références :

Arnould P., 2003. Discours sur le paysage : à la croisée des regards et des systèmes, Géoconfluences. (http://www.ens-lsh.fr/geoconfluence...)

Chabrol, J.-P., 2006. Construire des graphes sagittaux pour penser la complexité et initier les élèves à la démarche systémique, Actes des Rencontres en didactique de la géographie, Bulletin de la Société géographique de Liège.

de Rosnay J., 1975, Le macroscope : vers une vision globale, Paris, Seuil.

Hugonie G., 1995. Clés pour l’enseignement de la géographie au collège, Versailles, CRDP, coll. Démarches pédagogiques, Série Enseigner la géographie.

Mérenne-Schoumaker B., 2002. Analyser les territoires - Savoirs et outils, Rennes, PUR, coll. Didact Géographie.

Partoune C., 2006, L’approche systémique, Université de Liège, note de cours AESS Didactique de la Géographie, inédit.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège, ch. I.