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PERCEVOIR ET PENSER EN HYPERPAYSAGE
> Du visible vers l’invisible
Liens dans l’espace et dans le temps
( 6 octobre 2008)
Percevoir et penser en hyperpaysage, c’est considérer que chaque fait géographique appartient à un système complexe qu’il convient de décoder.
La portion de paysage analysée par le biais d’un hyperpaysage est un système spatial, c’est-à-dire un ensemble de composants possédant, à un moment précis et dans une position géographique donnée, un certains nombre de caractéristiques qualifiées d’attributs (Mérenne B., 2005).
Ce système spatial évolue sans cesse. Ainsi, le paysage étudié correspond à une situation à un moment donné, qui se différencie d’hier et de demain.
L’analyse d’un paysage implique dès lors la prise en compte de nombreuses composantes visibles et invisibles interagissant entre elles.
Il importe de prendre en compte quatre aspects du système :
1. Les relations verticales : on relie les caractéristiques observées en un lieu à d’autres caractéristiques observées en ce lieu et on fait souvent l’hypothèse que les caractéristiques qui persistent pendant une longue durée peuvent expliquer celles qui sont plus éphémères (Mérenne B., 2005).
Les caratéristiques de longue durée du milieu naturel sont déterminantes. Par exemple, au travers de l’hyperpaysage de Spa-Malchamps (Belgique), on peut établir un lien entre le climat (caractéristique de longue durée) et la présence de brouillard (caractéristique dite éphémère). Une même relation peut être établie entre la formation géologique du plateau des Hautes-Fagnes et l’exploitation des nombreuses eaux de source.
Le schéma de la forêt caducifoliée ci-dessous met en avant un ensemble de relations verticales invisibles par le biais d’une simple photographie panoramique.
- Les relations verticales dans la forêt caducifoliée
- Source : Duvigneaud, 1974
2. Les relations horizontales : on s’intéresse davantage à la proximité entre objets, lieux ou unités spatiales et on fait l’hypothèse que les caractéristiques des lieux proches vont être plus interdépendantes que celles des lieux éloignés (Mérenne B., 2005).
La découverte du projet des Galeries Saint-Lambert à proximité de l’Ilot Saint-Michel (Liège, Belgique) via l’hyperpaysage de la Place Saint-Lambert, insiste sur l’approche multifonctionnelle du projet via la mise en adéquation de trois objectifs interdépendants entre-eux touchant à l’accessibilité en transport en commun, à une offre en commerces et bureaux et à un retour des habitants. Via cet exemple, on peut comprendre que la modification (positive ou non) d’un paramètre (création/fermeture d’une ligne de bus, arrivée/départ d’habitants, etc.) induit directement un changement pour les autres fonctions (commerciale, logement...) à proximité.
3. Les dimensions humaines : la géographie contemporaine prend aussi en compte les relations psychologique, sociologique (sentiment d’appartenance, vécu, perçu, représentations, etc.) et juridique (renvoyant à une autorité et à une gestion comme dans le cas de l’aménagement du territoire) que les hommes entretiennent avec leurs territoires (Mérenne B., 2005).
Dans le cadre de l’hyperpaysage de Spa-Malchamps, plusieurs témoignages nous démontrent l’importance accordée par chacun aux fagnes. Cela permet notamment d’attirer l’attention du gestionnaire, du public... vers des richesses qu’il pouvait ignorer. Ainsi, pour le Professeur Froment, il est important de conserver les traces des anciennes pratiques agropastorales ; pour le Professeur Pissart, il est important de conserver ce paysage d’un point de vue scientifique car la région est le témoin de processus rares toujours à l’étude (la présence de lithalses par exemple) ; le garde forestier, M. Gennée, gérant le site au nom de la Division de la Nature et des Forêts de la Région wallonne, présente son point de vue sur l’exploitation de la forêt. Il s’agit-là d’un petit échantillon des différentes perceptions d’un même paysage propres à chaque témoin selon ses expériences personnelles.
A Liège, lors de projets de rénovation ou de revitalisation d’un quartier, un paramètre important à prendre en compte est le sentiment d’insécurité. Bien que l’insécurité puisse être partiellement objectivable par le nombre de délits commis, le sentiment s’y rapportant est aussi lié à l’ambiance du quartier, à la dégradation de celui-ci, à la présence de travaux en cours, à un manque de vie (commerce fermé, peu d’habitants)... même si aucun ou peu de délits ni soient commis.
Pour mettre à jour les avantages et inconvénients de la vie dans le quartier concerné, le témoignage de riverains est un atout. Vous pouvez découvrir le vécu différent de deux habitants de l’Ilot Saint-Michel, ainsi que celui d’un commerçant de la Rue Léopold qui nécessiterait un réaménagement. En matière d’insécurité, on notera l’avis divergent de deux habitants d’un même immeuble, illustrant le côté subjectif de ces dimensions humaines.
4. L’évolution temporelle : le paysage évolue perpétuellement. L’espace étudié se rapporte à une situation à un moment donné, qui se différencie d’hier et de demain. Nous pouvons les expliquer à l’aide des traces laissées par le passé, ainsi qu’en dégager des pistes d’évolutions possibles pour le futur au départ des tendances actuelles.
Ainsi, dans la Fagne de Spa-Malchamps, la pessière est récente et à fait l’objet d’une plantation jusqu’en 1960. Aujourd’hui, on peut observer des monticules au pied des arbres, ainsi que des drains (fossés anthropiques). La présence et le rôle de ces formes et de ces arbres dans le paysage actuel ne peuvent être compris qu’en référence aux anciennes pratiques de plantation et à leur intérêt, contesté aujourd’hui.
Par évolution temporelle, il faut aussi prendre en compte la durée des processus mis en cause. Certains processus à prendre en compte sont de longue durée, alors que d’autres sont plus courts. Ce changement d’échelle temporelle est développé ici.
Système :
A la lecture des quatre catégories de relations présentées ci-dessus, il apparaît évident qu’un seul type de relation ne permet pas à lui seul de décoder une paysage. Il s’agit de les combiner, de les intégrer dans un raisonnement systémique.
Changements d’échelles :
Les relations-interactions invisibles auxquelles on fait référence pour décoder un paysage sont le résultat de processus intervenant à différents niveaux de l’échelle géographique (locale, régionale, nationale, continentale, mondiale). La mise en évidence de ces processus et de leur échelle est également nécessaire pour décoder le paysage étudié et choisir le niveau spatial le plus pertinent pour son analyse. Cliquez ici pour approfondir cette thématique.
Références
Duvigneaud P., 1974. La synthèse écologique, Paris, Doin.
Mérenne B., 2005, Didactique de la géographie - Organiser les apprentissages, De Boeck & Larcier, Bruxelles, pp 46-48.
Partoune C., 2002, Hyperpaysage de Spa-Malchamps (Belgique), http://www.hyperpaysages.be/spa/, Août 2008.
Partoune C., 2004, Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège, pp 38-39.
Pirenne M., 2002, Hyperpaysage de la place Saint-Lambert, http://www.hyperpaysages.be/liege/, Août 2008.
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