ACCUEIL > PERCEVOIR ET PENSER EN HYPERPAYSAGE > Approche panoramique


Point de vue égocentré

( 28 juillet 2008)

Percevoir et penser en hyperpaysage panoramique, c’est prendre conscience que dans notre relation au monde, la subjectivité de notre point de vue nous échappe facilement.

Pour beaucoup, un paysage, c’est une portion de l’espace qui est vu d’un point haut, d’où l’on peut effectivement jouir d’une "belle vue", mettant en avant la relation contemplative qu’ils associent au paysage. C’est aussi un point de vue qui permet à la vision de "délirer", puisque "voir c’est avoir à distance" (Merleau-Ponty, 2006). La satisfaction ressentie peut également être en lien avec le désir de maîtrise (Mendibil, 2001) : nous nous glisserions dans la peau du châtelain contemplant son domaine du haut du donjon. Ce plaisir est encore celui de pouvoir se situer dans l’espace, d’identifier son milieu par différents repères.

En ce qui concerne les hyperpaysages, l’expérience du point de vue panoramique semble différente. Plusieurs personnes ont exprimé avoir ressenti quelque chose de particulier, que nous avons appelé l’effet du "trou du milieu » : le point d’où l’on prend la photo reste évidemment obscur mais le fait de le ressentir dans toutes les directions de l’espace crée une sensation différente, mystérieuse. Il y aurait un point qui n’est vu par personne. Les impressions ressenties au moment de l’assemblage des photos en panoramique touchent également à cette question du centre. D’autres ont la sensation d’être en même temps "derrière le devant" et "dans" le paysage ; une sorte d’expérience de dédoublement de la personnalité qui s’observe en train d’observer ; peut-être l’illusion d’être le maître de tous les points de vue ?

Ces réflexions nous donnent à croire que la réalisation d’un hyperpaysage met en évidence le fait que nous partons de nous sans que nous apparaissions dans l’image, sans que personne ne s’en rende vraiment compte. Paradoxalement, cette expérience du "trou du milieu" renforce la prise de conscience de la position de l’observateur.

Références

Mendibil D., 2001. Quel regard du géographe sur les images du paysage ?, in Enseigner le paysage ?, coord. Leroux A., Actes d’un séminaire IUFM de Caen - 17-24 mars 1999, Caen, CRDP de Basse-Normandie, pp. 11-26.

Merleau-Ponty M., 2006. L’oeil et l’esprit, Paris, Gallimard.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège, ch. VI.