Pour un observateur attentif, les petits
arbrisseaux et les graminées laissent percevoir à
certains endroits des alignements intrigants de buttes et de
sillons, parfois longs de plusieurs mètres : ce sont les
traces d'anciens billons d'écobuage. Cette
activité agricole a connu un essor unique en fagne de
Malchamps au XIXème siècle (voir
cartes de Ferraris), et ces traces peuvent s'observer sur
une centaine d'hectares.
Les billons d'écobuage sont particulièrement visibles
et offrent un spectacle étonnant lorsqu'on survole la
fagne en avion. Un petit tour en avion
?
L'incendie
de 1974 les a également bien mis en évidence.
Photo
: A. Froment
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La pratique de l'écobuage
A priori, comme on peut s'en douter en observant
le terrain, la fagne n'est pas un milieu propice à la
culture. Comment expliquer alors qu'on y retrouve les traces
d'une activité agricole ?
Au XIXème siècle,
les seigneurs ont commencé à restreindre les droits
d'usage concédés aux manants dans les forêts,
estimant qu'ils l'exploitaient trop intensivement. C'est pourquoi
les manants ont bien dû se mettre à cultiver la
fagne, ce qui n'était pas une mince affaire !
Pour tirer parti de ces sols pauvres, les cultivateurs ont utilisé
une méthode astucieuse, connue depuis longtemps déjà
(elle est mentionnée au XVIème siècle).
Après avoir dégarni le terrain, la surface du sol
était pelée à l'aide d'une houe par plaques
que l'on faisait sécher durant l'été. Dans
la lande, cette opération porte le nom d'étrépage.
...
Photos
: Musée de la Vie wallonne et A. Froment
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Au début
de l'automne, les plaques étaient entassées en
mottes et brûlées.
Les cendres obtenues constituaient
l'unique fertilisant minéral de l'époque. Ensuite,
des sillons parallèles et distants d'environ 1 mètre
étaient creusés dans le sens de la pente afin d'assécher
les sols. Les céréales étaient semées
à la volée, recouvertes par les matériaux
rejetés des sillons auxquels les cendres étaient
mélangées.
La première année,
on plantait une variété de seigle robuste et bien
adaptée aux rigueurs du climat de la haute Ardenne.
La seconde année, les ados (ou billons) étaient
semés d'orge ou d'avoine. Ensuite, la pauvreté
des sols obligeait la mise en jachère des parcelles cultivées
pendant 20 à 30 ans.
On le voit, cette technique ancestrale, appelée écobuage,
demandait un travail considérable. Elle s'est perpétuée
jusqu'au XIXème siècle et a progressivement disparu
avec l'apparition des premiers engrais (chaux). Notons
que la technique de l'écobuage, terme propre à
la fagne, est également pratiquée en forêt,
où elle est bien plus largement répandue et porte
alors le nom d'essartage.
A présent, ces traces
sont menacées de disparition.
Source principale : MARTINY P., 1999.
Promenades pédestres en fagne de Malchamps-Bérinzenne,
DGRNE, Jambes.
Rencontre avec le Professeur Alfred
FROMENT, de l'Université de Liège, qui a particulièrement étudié
ces anciennes pratiques agropastorales.
" Professeur, estimez-vous
qu'il est important de préserver des traces de ces anciennes
pratiques agropastorales dans la Fagne de Malchamps ? "
"Aujourd'hui, il
subsiste moins de 400 ha de landes dans le périmètre
de protection des sources de Spa. Or, les traces de billons d'essartage
ne sont nulle part ailleurs aussi visibles ni aussi étendues.
Les naturalistes considèrent qu'il est très important
de les préserver pour plusieurs raisons :
- du point de vue écologique,
même s'il est dû à l'intervention de l'homme,
c'est devenu un habitat à part entière, avec ses
espèces et ses hôtes spécifiques;
- du point de vue culturel,
ces traces font partie de notre patrimoine historique;
- du point de vue pédagogique,
il est plus facile de comprendre comment on cultivait autrefois
et ce que cela représentait comme travail lorsqu'on a
la chance de pouvoir encore observer des traces de ces pratiques.
"
Mais qu'est-ce
qui peut menacer les billons de disparition ?
Revenons à la tour d'observation et réfléchissons
à cette question
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