ACCUEIL > DÉFINITIONS > A propos de paysage


Paysage et aménagement du territoire

( 22 février 2009)

Le paysage se prête à merveille à la découverte de la relativité de toute définition. Il nous permet également de nous interroger sur les finalités d’une éducation au paysage.

Au XVIIe siècle, la nature était considérée comme un média qui pouvait rapprocher l’homme de Dieu. Les peintres cherchaient à exprimer le Sublime que révélait le paysage. Les scientifiques n’échappèrent pas à ce courant : l’observation de la nature mobilisa leur attention parce qu’elle faisait découvrir l’oeuvre du Créateur.

C’est sans doute à ce moment que se sont enracinées des idées sur le paysage encore très répandues aujourd’hui, comme "ce n’est un paysage que si c’est beau », ou "les constructions humaines ne font pas partie du paysage" (rapporté par Loiseau et alii, 1993, p. 19). Ce sont des idées qui ont notamment été disséminées dans les écrits de J.-J. Rousseau : "Tout est bien sortant des mains de l’auteur des choses, tout dégénère entre les mains de l’homme" (dans "Émile, ou de l’éducation" - incipit, Livre I, L’éducation naturelle).

Il est important de tenir compte de ces héritages culturels si nous voulons comprendre certaines prises de position dogmatiques en matière de paysage, tout comme il est important de les relativiser en reconnaissant leur origine culturelle : dans la culture arabo-musulmane classique, ce sont les cités peuplées qui sont considérées comme positives tandis que les étendues sans présence humaine sont fortement critiquées (Latiri, 2001).

Abandonné pendant une cinquantaine d’années, le paysage, a été réhabilité au début des années 1980 avec la remise en cause du modèle de croissance et ses impacts désastreux sur l’environnement, partout dans le monde. C’est d’abord au plan national que les initiatives ont vu le jour, avec une histoire et des sensibilités différentes selon les contextes, avant d’inspirer une politique transnationale en Europe.

La Convention européenne du paysage, ratifiée par la Région wallonne, a acquis une légitimité internationale. Pour les "militants du paysage" de tous les pays concernés, c’est l’aboutissement d’un travail de persuasion et de sensibilisation entrepris depuis plus de vingt ans. En effet, cette convention considère le paysage comme un projet social, issu d’une concertation du public, des autorités locales et régionales, des acteurs concernés par les politiques du paysage et affirme la nécessité d’intégrer le paysage dans les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et dans les politiques culturelles, environnementales, agricoles, sociales et économiques.

Les régions signataires s’engagent à suivre trois directions d’action qui sont données dans la convention :
- la protection active des paysages estimés exceptionnels mais menacés ;
- une gestion dynamique visant à accompagner les transformations induites par des nécessités économiques et sociales ;
- l’élaboration de projets d’aménagement paysager.

La responsabilité des opérations est confiée aux pouvoirs les plus proches des populations qui contribuent à construire les paysages et qui les vivent quotidiennement (pouvoirs locaux et régionaux) à l’intérieur d’un cadre législatif au niveau national. Le programme européen Leader+ peut les soutenir dans leur action.

En Wallonie, où la Convention européenne est d’application depuis mars 2004, le paysage est mentionné comme un élément incontournable dans le Code wallon de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et du patrimoine (CWATUP).

Un volet paysager est présent dans différents outils de planification comme le schéma de développement de l’espace régional (SDER), les schémas de structure communaux (SSC) et les plans de secteur, incluant la définition de zones d’intérêt paysager (ZIP). Une procédure de classement permet de protéger des paysages en tant que site s’ils présentent un intérêt esthétique. D’autres outils peuvent contribuer à la restauration des paysages urbains et ruraux dans le cadre du remembrement rural, d’opérations de rénovation urbaine et de revitalisation ou de rénovation de sites d’activité économique désaffectés.

Les citoyens sont essentiellement concernés par deux volets qui permettent d’intégrer le paysage au sein des préoccupations environnementales :
- les Programmes communaux de développement rural (PCDR)
- les Plans Communaux de Développement de la Nature (PCDN)
- les Études d’Incidences sur l’Environnement (EIE).

Au sein de chaque commune wallonne, les Commissions Consultatives pour l’Aménagement du Territoire (CCAT) sont susceptibles de prendre en compte les aspects paysagers de l’aménagement du territoire.

La réussite du projet soutenu par la Convention européenne du paysage passe par une prise de conscience de chaque citoyen et les régions s’engagent à mettre en place des moyens pour favoriser la participation des citoyens.

Lorsqu’il y a une réelle volonté des élus locaux d’installer une dynamique sociale de dialogue et de coopération à la base de tout projet d’aménagement, on assiste à l’émergence de nouvelles formes d’exercice de la citoyenneté venant enrichir les points de vue des experts.

Les mouvements associatifs, jouant un rôle de médiateur, permettent l’expression et la formalisation de la demande des citoyens, les élus se chargeant de trouver les moyens de la mise en oeuvre.

En Belgique, des associations telles qu’Inter-Environnement Bruxelles & Inter-Environnement Wallonie, Espace Environnement, la Fondation Rurale de Wallonie, Habitat et Participation, Qualité Village Wallonie,..., se veulent le relais des préoccupations des citoyens par rapport aux aspects paysagers du cadre de vie et proposent différents services pour favoriser leur participation active dans la gestion de leur environnement, avec le soutien financier des pouvoirs publics.

Pour devenir des acteurs du développement local et de l’aménagement de leur territoire, les citoyens doivent se doter de nouvelles compétences. Il serait donc cohérent de développer des programmes de sensibilisation et d’éducation en parallèle des politiques d’aménagement ou, si possible, préalablement. L’école peut aussi jouer ce rôle.

Bibliographie

Latiri L., 2001. Qu’est-ce que le paysage dans la culture arabo-musulmane classique ?, Cybergéo, n° 196.

Loiseau J.-M., Terrasson F., Trochel Y., 1993. Le paysage urbain, Paris, éd. Sang de la Terre.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège.