ACCUEIL > OUTILS > Outils pédagogiques


Le photolangage

( 22 août 2008)

Le concept

Le photolangage, c’est à la fois un outil et une méthode. Il est utilisé en animation pour faciliter l’expression des personnes et le travail en groupe. Ici, il est mis au service de l’interprétation du paysage par un groupe de personnes.

Origine du concept

Inventé fin des années 60 par Claire Belisle et Alain Baptiste (France), dans le contexte d’émergence de grands mouvements de pensée "non-directifs", le photolangage a connu un vif succès dans le secteur de l’éducation permanente et le secteur associatif en général, mais aussi dans le monde de l’entreprise ou des administrations. Il est utilisé un peu partout dans le monde, témoignant de son universalité comme média.

Le support didactique

En tant qu’outil, le photolangage est composé d’une série de photos thématiques qui vont servir de support pour faciliter l’expression.

S’il est possible de trouver des séries toutes faites de photos, c’est souvent l’animateur qui conçoit son outil de travail. C’est pourquoi il est important de réfléchir aux critères de choix des photos, qui dépasse le caractère esthétique de l’image.

Pour réaliser un photolangage sur le thème du « paysage », le type d’environnement (paysage urbain ou paysage rural), le type de public (enfants, adultes), le contexte culturel, le type de regard sur le paysage, vont orienter la sélection de photos. Par exemple, une grille de lecture « approche systémique » nous guide pour choisir des images qui évoquent les dimensions économique, sociale, environnementale et patrimoniale du paysage (ou d’autres dimensions encore).

Les photos peuvent aussi être choisies pour leur forte signification symbolique (un soleil, une tête de mort, un TGV...).

La méthode

« Photolangage est une méthode qui articule à la fois une pratique de travail en groupe, une concentration sur la prise de conscience par chacun de ses images personnelles, et une prise de parole devant l’ensemble des participants. » [1]

L’utilisation du photolangage décrite ci-dessous correspond à une phase initiale de contact d’un groupe de personnes avec un paysage.

Le but de l’activité était de favoriser l’expression et la reconnaissance de la diversité des façons d’être en relation avec le paysage, des regards, des expériences de chacun avec le paysage, de la diversité des personnalités en présence, des opinions, des désirs, des valeurs...

Ce but correspond à une finalité : développer une approche du paysage qui s’inscrive d’emblée dans la coélaboration par les participants d’une pensée complexe, tant à propos du paysage qu’à propos de notre relation au paysage et à propos de notre relation aux autres.

Etape 1

Un groupe de personnes est sur le terrain, en un lieu choisi pour les qualités du paysage environnant, en fonction des objectifs de l’animateur et/ou du groupe.

Un premier ensemble d’une quinzaine de photos en noir et blanc au format A3 représente, une fois assemblées dans le bon ordre, le paysage alentour.

JPEG - 51.9 ko
La reconstitution du panoramique
Animation proposée par l’Institut d’Eco-pédagogie à Saint-Jean-Sart, Belgique

Les participants ont d’abord pour mission de reconstituer le panoramique au sol en un cercle d’environ 2 mètres de diamètre, en plaçant les photos en correspondance avec le paysage. Cette première étape invite chacun à observer convenablement les lieux et le caractère ludique de l’activité crée un climat souriant.

Etape 2

Un peu plus loin, une centaine de photos au format 15x15 cm sont étalées sur le sol.

JPEG - 71 ko
Un choix de photos abondant et diversifié
Outil réalisé par l’Institut d’Eco-pédagogie

Chacun est invité à observer les alentours et à choisir une ou plusieurs photos qu’il associe à un des éléments du paysage (visible ou invisible).

Consigne : « Un paysage évoque pour chacun d’entre nous des choses très différentes. Choisissez une photo qui va vous permettre d’exprimer ce que le paysage autour de nous, ou un lieu précis dans ce paysage, évoque pour vous. »

Le but poursuivi en énonçant une consigne aussi large, c’est que l’interprétation du paysage à l’aide du photolangage mobilise non seulement les connaissances ou les opinions de chacun, mais aussi sa sensibilité et son vécu.

Pour aider les participants à s’orienter dans cette direction, l’animateur donne quelques exemples d’associations possibles : la photo peut être en lien avec des connaissances, évoquer un souvenir, une expérience vécue, une personne ou un événement, exprimer une opinion personnelle, une émotion, un désir ou un projet, ...

Il précise que deux chemins sont possibles : soit partir de sa réflexion sur le paysage puis chercher dans les photos celle qui correspond le mieux à ce que l’on veut dire, soit se laisser interpeller par les photos jusqu’à ce que ce que se précise en soi ce que l’on va dire.

Ici, la question est centrée sur l’interprétation d’un paysage, c’est-à-dire considérer que le paysage est un peu comme un texte que chacun lit et décode à sa manière, avec ses propres grilles de lecture. Bien entendu, la question posée peut servir à stimuler l’expression dans des registres plus fermés : « choisissez une photo qui exprime ce que vous aimez/ce qui vous dérange dans ce paysage », « ... ce que vous souhaitez pour l’avenir de ce paysage »,...

La méthode consiste donc à proposer aux participants de répondre à une question par un choix personnel d’une ou plusieurs photographies, de se positionner par rapport à une question posée et par là même dans le groupe.

Conseils pour l’animation

Pour favoriser l’implication personnelle lors de cette deuxième étape cruciale, il est important que l’animateur explique préalablement le sens et les objectifs de la méthode, qui pourrait être vécue par certains comme infantilisante ou sans intérêt.

Le temps pour choisir les photos doit être suffisamment long pour permettre à chacun de découvrir les images à son aise et de les laisser entrer en résonance. Ce paramètre est variable d’un public à l’autre (entre 5 et 10 minutes).

Sans pour autant imposer le silence, il est important que l’animateur obtienne que l’activité se déroule dans une ambiance la plus calme et la plus silencieuse possible, afin de favoriser la concentration et éviter que le cheminement de chacun soit perturbé par des commentaires en tous sens.

La ou les photos choisies ne seront pas emportées d’emblée : elles restent disponibles pour tous jusqu’à ce que l’animateur propose de s’en saisir. Une même photo peut donc servir de support à l’expression de plusieurs personnes.

Etape 3

Pour l’étape suivante, le groupe est invité à se placer autour du panoramique, à l’extérieur du cercle. Chacun prend la parole quand il le désire pour présenter la petite photo choisie, la déposer sur la photo noir et blanc à l’endroit voulu et expliquer le lien établi avec ce lieu du paysage. On peut choisir de parler après un tel ou un tel, parce qu’on se sent en accord, en résonance avec ce qui vient d’être dit, ou pour marquer son écart, sa différence...

Conseils pour l’animation

Dans ce travail d’interprétation du paysage en groupe à l’aide du photolangage, « il n’y a plus de position privilégiée, avec quelqu’un qui sait, qui détient la vérité », comme c’est le cas lorsqu’on cherche à expliquer/enseigner le paysage. Il s’agit de favoriser un certain type de rapport au paysage, au savoir, aux autres et... à soi.

C’est pourquoi le groupe est invité à être à l’écoute de la façon dont chacun perçoit les choses et à essayer de comprendre ce qu’il veut dire, ce qu’il essaie de nous communiquer. Pour cela, il peut être nécessaire de poser des questions ou d’essayer de reformuler ce que l’on n’est pas sûr d’avoir compris. L’objectif n’est pas de s’affronter, ou de chercher à se convaincre, ou de savoir qui a raison, mais de se découvrir soi-même, de se rendre compte de son propre point de vue par rapport au thème.

Il y aura peut-être des commentaires ou des questions. Le travail de l’animateur est de favoriser une dynamique d’écoute à l’intérieur du groupe, par sa présence personnelle ou ses encouragements verbaux après chaque intervention (remerciement, pas de jugement ni d’appréciation, recadrage des commentaires pour rester centrés sur la découverte des uns aux autres, et pas sur la photographie en elle-même, invitation à poursuivre).

L’animateur est conscient que la dimension émotionnelle est fondamentale dans l’expérience d’écoute : chacun se découvre plus ou moins sensible à la musique de la voix, à sa tonalité ou à son rythme, et aux expressions du corps qui s’exprime.

Par ailleurs, « il est plus facile de parler de la photographie que l’on tient, que l’on manipule, en tant qu’objet que l’on regarde, que d’affronter sans aucun support le regard des personnes devant lesquelles on s’exprime : le photolangage permet de contenir, canaliser les appréhensions, les hésitations, les angoisses de chaque membre du groupe ».

Etape 4

La suite du travail va dépendre du projet dans lequel le groupe est impliqué.

Le photolangage peut notamment permettre de démarrer un projet de scénarisation d’un hyperpaysage, comme l’ont fait les membres du comité des habitants de Jehay, avec le soutien de l’Institut d’Eco-pédagogie.

Conseils pour l’animation

Pourquoi connaître l’expérience personnelle de quelqu’un par rapport au paysage ? Fondamentalement parce que les prises de position, les opinions, les options par rapport au paysage sont habituellement enracinées dans des événements personnels très marquants. Dévoiler cette part intime de chacun apporte un éclairage, permet de comprendre les divergences, facilite la communication, provoque des interactions et ouvre le débat.

« Photolangage n’est ni un test, ni un gadget, ni un outil manipulatoire. Certes ses effets sont observables à très court terme ; l’animateur et son groupe peuvent le mesurer à la fin d’une session, voire d’une séquence. Mais ses effets plus profonds sont parfois différés dans le temps et tels participants disent quelquefois, après des semaines, quel travail intérieur l’activité a entraîné sur leurs attitudes et leur comportement pour aboutir à des changements profonds et durables. »

« L’impact de Photolangage sur des participants est parfois tel que certains y mettent une énergie psychique ou émotionnelle peu ordinaire. Parfois, des photos disparaissent de la collection. L’emprunt ne repose pas que sur la valeur esthétique de la photo, il s’en faut de beaucoup. Il arrive que l’emprunteur retourne l’image quelque temps après, avec un mot à l’animateur, auquel il explique qu’il en avait besoin pour accompagner son travail intérieur. Parmi les raisons d’être vigilants, cette force d’impact à elle seule justifie que nous insistions sur les aspects déontologiques qui doivent guider l’animateur. »

Parce que le photolangage invite à s’impliquer émotionnellement, le contenu traité doit être repris dans la suite du travail, et pas être utilisé pour "faire parler " les participants simplement dans le but de détendre l’atmosphère.

Enfin, puisque le photolangage est centré sur la prise en compte de la parole de chacun, il ne convient pas pour toute une série d’objectifs comme la recherche d’un consensus ou d’une « bonne réponse ». Il faut également éviter d’utiliser ce qui est exprimé pour effectuer un classement.

   

 


[1] Les citations dans cet article sont extraites du site « Photolangage » réalisé par A. Baptiste