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Désir, plaisir de la découverte

( 31 juillet 2008)

Percevoir-penser en hyperpaysage, c’est ouvrir des portes pour aller plus loin.

Quand nous sommes dans un environnement réel, que ce soit à l’extérieur ou à l’intérieur, qu’est-ce qui nous donne envie de découvrir le paysage qui s’offre à nous ?

Généralement, sur le terrain, dès qu’une image apparaît dans la zone périphérique de l’oeil, le regard est attiré par ce point d’appel, le fixe puis balaie de façon rapide et saccadée les alentours (Loiseau et alii, 1993). Les points d’appel sont hiérarchisés en fonction de leur pouvoir attractif. À cet égard, les paysagistes considèrent surtout les contrastes de lumière, de couleurs et de formes, mais nous devons considérer également la valeur symbolique des éléments du paysage (une maison, même discrète, aura un pouvoir attractif très important).

Le point d’appel dont l’attraction est la plus forte est appelé "point focal". Certains n’hésitent pas à dire à son propos que le regard revient se fixer "naturellement" dessus. Il vaut sans doute mieux éviter de parler d’attitude "naturelle", lorsqu’on sait à quel point notre regard est culturellement déterminé, mais ce qui est par contre "instinctivement déterminé", c’est notre attirance pour tout mouvement dans le paysage, qui oriente automatiquement le regard afin d’anticiper un éventuel danger (attitude de survie). Ces mouvements dans le paysage éclipsent momentanément tout autre point focal !

Par ailleurs, vu du sol, un paysage comporte en général toute une série d’obstacles à la vue. C’est un appel à l’imagination qui invite au déplacement. C’est ce qui entretient le désir de poursuivre sur le chemin. C’est un appel à découvrir progressivement, à dévoiler pas à pas.

Dans les hyperpaysages, il s’agit d’inscrire des points d’appel qui clignoteront tels des phares attirant les papillons, éclipsant parfois le pouvoir des points d’appel qui attireraient notre œil sur le terrain. L’activation de zones sensibles dans le paysage exerce une réelle fascination, tant sur les concepteurs que sur les visiteurs. Plusieurs effets nous semblent intéressants à noter, pour lesquels nous proposons une interprétation : l’impression d’avoir un doigt magique, l’effet de surprise et l’expérience de téléportation.

L’effet « doigt magique »

Le plaisir de cliquer est évident. Que les liens soient pertinents ou non n’a aucune espèce d’importance. À ce moment précis, seule l’illusion de détenir un pouvoir magique importe.

L’effet « mystère »

Les zones sensibles sont parfois à peine décelables dans le paysage. Il est possible d’en souligner l’existence par des étiquettes qui peuvent éventuellement servir à donner un indice et attirer les curieux de passage. Néanmoins, le mystère reste entier. Ce que l’on va découvrir en activant le lien est une réelle surprise, qui va peut-être nous faire voir l’invisible, l’envers du décor.

En général, sauf invitation pressante, les apprentis concepteurs d’hyperpaysage utilisent essentiellement les étiquettes pour dénommer les éléments visibles du paysage. Il convient d’élargir leur fonction afin de stimuler la curiosité de toutes sortes de façons : une étiquette peut servir à poser une question qui invite le visiteur à observer plus minutieusement le paysage, à émettre une hypothèse, à proposer une action virtuelle, à exprimer un désir, à intriguer ou encore à donner des réponses, sous forme de mots clés, à une question posée préalablement.

On peut privilégier l’option d’étiquettes qui n’apparaissent que si le curseur est pointé sur la zone sensible ou les rendre apparentes d’emblée. Tout dépend de ce que l’on souhaite sur le plan pédagogique : favoriser l’ergonomie, la didactique ou la pédagogie.

L’effet « téléportation »

Une formule magique de Mary Poppyns (tout comme celle d’autres personnages mythiques, bien entendu) peut vous transporter dans un univers tout à fait différent en un clin d’oeil. Lorsque les étiquettes dans un paysage sont reliées à d’autres paysages, ou à un zoom dans un lieu particulier, vous vivez virtuellement l’expérience tellement fascinante de la téléportation.

Mais quels sont les impacts de telles expériences spatiales sur nos schémas mentaux ? L’hippocampe, qui est activé pendant la tâche de navigation spatiale, se trouve-il dans une situation proche de celle de nos rêves, où la sensation de téléportation est fréquente ? Cette aire du cerveau serait impliquée dans la combinaison de l’information visuospatiale et de position du corps, qui est importante pour la navigation. Une autre zone activée, l’insula, pourrait intervenir dans la mémoire des changements d’orientation du corps au cours de la tâche de locomotion mentale.

Dans le cas de la navigation dans un hyperpaysage, les mouvements du corps enregistrés sont très différents. En effet, contrairement à ce qu’on pourrait croire sans observer quelqu’un devant un ordinateur, le corps (et pas seulement la main qui tient la souris) est vraiment partie prenante dans la navigation dans un environnement virtuel, accompagnant la tête dans son activité mentale.

Nous espérons que les apprentissages réalisés à travers la construction d’hyperpaysages auront, par transfert, une valeur éducative générale face à toute composition visuelle qui nous est proposée : non seulement avoir le réflexe de ne pas se fier aux apparences du visible mais aussi devenir curieux, se poser des questions, avoir envie de découvrir.

Références

Loiseau J.-M., Terrasson F., Trochel Y., 1993. Le paysage urbain, Paris, éd. Sang de la Terre.

Partoune C., 2004. Un modèle pédagogique global pour une approche du paysage fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, thèse de doctorat, Université de Liège, ch. VI.