Un
écho du quartier de Pierreuse
...
Les habitants de ce quartier pourraient
se trouver, à l'avenir, juste derrière les
extensions du Palais de Justice ... à moins que leurs
revendications ne soient entendues !
Le couple que nous avons rencontré
habite rue Volière (entre les rues
Pierreuse et Fond Saint-Servais) depuis 1985. Madame Lorquet
et Monsieur Renard, passionnés d'urbanisme, ont toujours
lutté pour les projets qui leur tiennent à coeur.
Voici un éventail de leur parcours et des motivations
qui les poussent à refuser les extensions du Palais de
Justice.
Pourquoi avez-vous décidé
de venir vivre en Pierreuse ? |
Nous avions déjà
déménagé à quatre reprises et nous
désirions acquérir un logement. Le choix du quartier
de Pierreuse s'est fait pour trois raisons essentielles. Premièrement,
nous voulions vivre à 10 minutes maximum à pied
de la place Saint-Lambert, coeur
de notre ville. En avançant en âge et les enfants
grandissant, habiter le centre ville, proche de toutes les activités,
nous semblait être la meilleure solution. Deuxièmement,
prévenus par Germain Dufour (habitant de Pierreuse), qu'une
maison abandonnée depuis près de 20 ans et en mauvais
état risquait d'être démolie pour cause de
danger mais surtout pour mettre en valeur l'église Saint-Servais,
il nous est apparu important de la sauver. Troisièmement,
nous fréquentions et apprécions ce quartier depuis
de nombreuses années. Nous y avions par exemple implanté
le siège et le local d'une coopérative de produits
biologiques.
La maison blanche
au centre de la photo est celle où vivent Madame Lorquet
et Monsieur Renard
Quels changements majeurs
a subi votre quartier depuis votre installation ? |
Déjà au
début des années 70, différents projets
(dont celui d'une autoroute dite de la corniche) devaient détruire
une partie des habitations du quartier. Ces menaces de destructions
ont découragé les propriétaires et les habitants
d'entretenir leurs immeubles. Certains ont même été
abandonnés ... Or, ces projets n'ont jamais abouti !
En 1975, vu l'état du bâti, une
opération de rénovation dite "à tiroir"
est mise sur pied par l'Etat et la Ville dans le triangle compris
entre les rues Volière, Pierreuse
et Fond Saint-Servais. Cette opération est appelée
ainsi car pendant les travaux dans leur habitation, les personnes
transitent par une maison déjà rénovée
et réintègrent ensuite leur immeuble rénové.
Certains propriétaires habitants, persuadés de
la "richesse" de leur quartier, ont alors rénové
leur maison à un rythme plus rapide que les pouvoirs publics.
Mais vu la "lenteur" (plus ou moins 20 ans) des différentes
phases de la rénovation, beaucoup de personnes ont quitté
le quartier.
Dans le cadre de la Convention de rénovation,
la Ville devait proposer aux anciens habitants les logements
rénovés à un prix quasi équivalent
aux loyers antérieurs. Malheureusement, beaucoup de familles
n'ont pas accepté de revenir parce que le prix des loyers
était nettement plus élevé et que ces familles,
vu la longueur des opérations, s'étaient enracinées
autre part. De plus, le pourcentage de logement de type social
n'a pas été respecté (minimum 66 %). Un
autre type de population est alors arrivé dans le quartier.
Cette évolution est inquiétante ... et ça
risque encore d'aller plus loin ! En effet, les loyers privés
suivent la hausse des loyers publics. Pourtant, nous souhaitons
que notre quartier reste accessible à tous, qu'il reste
un quartier chaleureux et conserve son esprit convivial.
Quels regards portez-vous
sur l'aménagement de la place Saint-Lambert ? |
Nous résumons
souvent cet aménagement comme "un ensemble de
promesses non tenues". Après les destructions
du 19e siècle, la place Saint-Lambert et ses
abords ont été reconstruits. Mais les projets mégalomanes
des années 60 ont non seulement démoli les constructions
récentes mais ils ont aussi continué le saccage
des immeubles plus anciens. Un accord politique en 1985, suivi
d'un schéma directeur
(sans valeur légale) réalisé par l'architecte
Claude Strebelle (et approuvé par le Conseil Communal
de Liège en 1986) a permis la poursuite du chantier. Claude
Strebelle devait coordonner les différents intervenants
et être garant de la conformité des travaux au schéma
directeur. Nous pensons cependant que Monsieur Strebelle n'a
jamais eu la force de faire respecter par les intervenants les
principes de l'accord politique.
Nous trouvions le schéma initial assez
bon mais il n'en est pas de même pour les modifications
qu'il a subies et qui ont souvent été décidées
sans l'accord préalable du comité d'accompagnement
des élus de la Ville de Liège, ni celui de la population
: c'est inacceptable ! Le cas des extensions du palais de justice
est très illustratif de ce détournement de projet.
Il a toujours été question de ces extensions mais
elles devaient, en 1985-1986, être construites sur l'espace Tivoli, l'îlot
Saint-Michel et le boulevard de la Sauvenière. En
déplaçant ces bâtiments au nord, vers le
quartier de Pierreuse, sur un terrain trop exigu, les immeubles
ne pouvaient qu'être plus hauts pour répondre à
la demande de superficie de bureaux nécessaire à
l'époque.
Nous nous souvenons que dans les années
70, un plan particulier d'aménagement (PPA devenu PCA,
plan communal d'aménagement) de l'îlot compris entre
les rues Volière, Pierreuse et Fond Saint-Servais prévoyait
le long de cette dernière rue, la construction de barres
de logements sociaux (constructions très longues et très
hautes). Les habitants, ainsi que la commission Royale des Monuments
et des Sites ont rejeté ce projet au motif de non intégration
à l'environnement et d'effet d'occultation de la colline.
Pourquoi les extensions du palais de justice ne sont-elles
pas rejetées pour les mêmes raisons ?
Outre cela, nous trouvons la place elle-même
trop minérale, non conviviale, non sécurisante
pour les piétons et peu accessible pour les personnes
à mobilité réduite
(des marches et non des rampes). Nous sommes d'autant plus critiques
qu'il existait à l'époque des propositions enterrant
les voitures (comme c'était prévu dans l'accord
politique) et envisageant des bâtiments moins hauts. Cette
place n'est plus qu'un lieu de passage, de transit, sans vie
et déprimant pour le regard.
Quelles
sont vos plus grandes revendications face au projet des extensions
du palais de justice ? |
Slogan que l'on peut trouver en Pierreuse
Nos revendications
ne sont pas esthétiques, mais bien urbanistiques. Nous
sommes persuadés que le site est inadapté. En effet,
dans un centre ville, des espaces importants de bureaux (abandonnés
le soir et en fin de semaine) créent des zones insécurisantes.
Le projet, au lieu de recoudre le tissu urbain comme l'affirment
ses auteurs, sera une barrière entre nos habitations et
le centre commercial. Alors que les habitants et les touristes
aiment la vue des coteaux de la Citadelle comme ils aiment la
vue dégagée vers la vallée, les constructions
des extensions supprimeront ces points de vue. Le très
populaire quartier de Pierreuse sera pour longtemps mis à
l'ombre de la Justice. De plus, on nous annonce aujourd'hui des
extensions des extensions, les espaces prévus aujourd'hui
étant déjà insuffisants ! Ne serait-il
pas logique de prévoir dès maintenant un espace
assez grand ?
La
photographie ci-dessous a été prise à partir
de chez eux ... La construction des extensions du Palais de Justice
cachera ce paysage puisque les bâtiments auront une hauteur
dépassant de quelques mètres celle des fils électriques
!
Et aujourd'hui, comment imaginez-vous
l'avenir de votre quartier ? |
Malgré toutes
nos tentatives, y compris au Conseil d'Etat, nous n'avons pas
été entendus. Nous avions proposé le site
de Bavière (entre autres) comme autre lieu d'implantation.
Celui-ci est bien desservi par les transports en commun, est
très accessible en voiture et offre plus d'espace puisque
la superficie est environ 6 fois plus importante que celle prévue
actuellement et permettrait par conséquent une mixité
des fonctions.
Aujourd'hui, nous ne baissons pourtant pas
les bras parce que de nouvelles pistes s'ouvrent à nous
... Si ce projet des extensions du Palais de Justice ne se réalise
pas ici, nous proposons à la place de la verdure ou d'y
amener en surface la nouvelle gare du Palais. Il est important
de souligner que ces suggestions ont aussi été
émises par beaucoup d'habitants du quartier.
N.B.: Pour en
savoir plus sur l'historique et les projets qui se sont succédé
dans le quartier, tu peux consulter le mémoire de fin
d'études de Sophie Tilman, ....
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